Préambule
Nombreux sont les académiciens ayant mérité leur qualificatif d’immortels. Parmi eux, grâce à cet ouvrage, Émile Faguet aura bien été du nombre, vu de quiconque aspire à la vraie Liberté. Dans ce « Le Libéralisme », il entreprend de nous la faire redécouvrir par un voyage à partir des deux versions historiques d’un de ses piliers, une de ses références, la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, DDHC.
L’exercice serait bien aride et indigne du talent de notre Immortel s’il se limitait à une analyse technique, et au contraire, il se propose de prendre ce prisme de la Déclaration pour faire vivre la Liberté concrète de M. X…
Ce faisant, Émile Faguet place son M. X… en plein dans son époque : le livre fourmille de citations, extraits ou références à des personnalités ou positions idéologiques de cette période de la fin du XIXe siècle, tant sous un ton docte que bien des fois plus léger. M. X… étant curieux, il peut parfois tenir avec le narrateur des dialogues où le lecteur n’aura aucune peine à prendre sa place. La lecture est vivante, elle n’a rien d’austère.
Toutefois, nous n’avons pas affaire à une simple œuvre didactique. Sans être le grand économiste que fut Bastiat au milieu du XIXe, Émile Faguet s’affirme dans ce livre comme un juriste remarquable, ce que dans une langue plus actuelle on nommerait « jusnaturaliste » : un spécialiste du Droit naturel, qu’il prend comme fondement de sa doctrine de Liberté.
Deux extraits, pris presque au hasard, aideront à s’en convaincre. Dans l’actualité récente, il n’y a de cela que quelques semaines, la question du droit à l’avortement enflammait les Unes. L’auteur trouve une astuce qui semble concilier à la fois morale et droit dans la formulation suivante :
« Mais de ce que j’ai des devoirs envers l’homme qui naît, il ne s’ensuit pas qu’il ait des droits. … Tout droit qui ne résulte pas d’un contrat est une prétention, ou plutôt est un non-sens. »
Une autre question, centrale à la pensée libérale, concerne la place que l’État peut ou doit prendre dans la société, que ce soit au titre des fonctions régaliennes, comme la Déclaration le pose, ou plus largement en État-providence, comme les démocraties contemporaines le postulent. Regardons comment il éclaire le rôle de l’institution envers les droits :
« Continuons la revue que nous faisons des véritables droits de l’homme ; c’est-à-dire, dans notre façon de prendre les choses, des libertés qui doivent appartenir à l’homme et que l’État n’a aucune raison honnête de lui refuser. »
Sans avoir oublié de faire un tour d’horizon des principales positions politiques d’alors s’opposant aux thèses libérales, dont les arguments ne seront pas inconnus du lecteur avisé, le livre se termine en s’interrogeant sur les raisons du si faible esprit libéral qui déjà distinguait la France. Là encore, on sera frappé par l’actualité du propos, du constat, de l’analyse.
On l’aura compris, ce livre est à la fois didactique, éclairant, il est vivant et riche. Le libéralisme y trouve un instrument précieux de transmission. C’est une de nos motivations à mieux faire connaître ce bel ouvrage.
Écrit en 1902, le texte fête ses 120 ans quand nous le publions. La langue a pu évoluer, les anecdotes ont pu vieillir, mais ses idées restent intactes. Pour beaucoup, elles sont mêmes neuves, novatrices, nouvelles, vivaces.
Avec « Le Libéralisme », Émile Faguet aura parfaitement atteint son but. Il s’inscrit en complémentaire d’un Bastiat économiste. Très différent d’un Molinari, il le renforce pour annoncer, je crois, les théoriciens modernes.
J’espère simplement que vous prendrez autant de plaisir à le lire que nous en avons pris à en préparer l’édition. Rappelons que le livre est aussi disponible chez Amazon. Place à la lecture !
Stéphane Geyres
Directeur de Collection