Aller au contenu
Accueil » Blog » Les Socialistes au Pouvoir – Hippolyte Verly

Les Socialistes au Pouvoir – Hippolyte Verly

    On nous explique chaque jour un peu plus que la démocratie est le meilleur des systèmes et que la « justice sociale » ne peut être faite que par l’égalité de tous et chacun la plus complète, fût-ce dans les aspects les plus intimes de la famille et de la vie en collectivité.
    Il nous a dès lors semblé opportun de faire revivre cet ouvrage simple et abordable d’Hippolyte Verly, qui suit la pure logique de la « démocratie sociale », méthodiquement et au dernier degré, car il en illustre l’utopie.

    Précisons tout d’abord l’origine de ce livre. « Les socialistes au pouvoir » est la version améliorée de « Le Triomphe du socialisme » du même auteur, alors populaire patron de presse de L’Écho du Nord, lui-même repris et francisé du texte du journaliste et politicien libéral Eugen Richter « Où mène le socialisme – Journal d’un ouvrier », avec l’Allemagne pour contexte.

    Parce que publié avant le XXe siècle, et parce qu’adoptant cette structure caractéristique d’un roman plongeant ses personnages dans le virage de leur société d’un monde « idéal » vers une dictature manifeste, ce texte mérite probablement le qualificatif de « première dystopie de l’histoire ».

    Qu’importe, une première motivation à publier ces pages tient à ce talent incroyable d’imaginer il y a quelque 125 ans un scénario si semblable à la société française que nous connaissons aujourd’hui. Talent toutefois très relatif, car le « Premier-Délégué » le dit lui-même, la démocratie sociale a un déterminisme mathématique : il ne pouvait pas en aller autrement. La question posée devient alors : l’avenir de la démocratie est-il inévitable ?

                 

    Le livre est en soi un chemin d’étude de la question. Telle l’épargne ici, le symbole du capitalisme, que la « démocratie sociale » refuse aux pauvres car l’égalité importe plus que de subir la misère de la vie au jour le jour :

    Jamais, jamais un vrai socialiste n’a songé à l’épargne. L’épargne n’est pas autre chose que la négation matérielle du principe d’égalité.

    Cette obsession de l’égalité est mise à mal par l’auteur en la poussant au bout de sa logique dans tous les domaines. Même le Premier-Délégué se doit d’être en situation d’égalité avec tout le monde : il lui faut donc cirer ses bottes lui-même ! Voilà bien assez pour un incident d’ordre national !

    D’autre part, il serait inadmissible que la puissante machine de l’État démocratique, alors que les intérêts de toute une nation dépendent de la régularité de son fonctionnement, fût détraquée parce que le Premier-Délégué doit cirer ses bottines et recoudre ses boutons de culotte.

    Une différence d’intérêt avec notre époque tient à la monnaie : il y a bien longtemps que l’or n’a plus ce statut, qui dans le texte limite les folies du régime. On imagine aussitôt combien les nôtres, libres de cette contrainte monétaire, peuvent s’autoriser de délires, insoupçonnables par l’époque.

    Chapitre après chapitre, chacun une saynète analysant combien telle ou telle mesure peut être privée de toute humanité à force de dogmatisme, le narrateur montre sa naïveté et son aveuglement, puis le rapide déclin. Comme beaucoup, il était plein d’espoir. La mathématique politique est séduisante, quand on oublie que chacun de nous cherche constamment à améliorer son sort, à s’extraire de l’uniformité voulue par l’égalitarisme.

    Mais rien n’est probablement aussi poignant que cette lettre écrite par ce fils ayant su regarder la démocratie sociale en face, et servant de porte-parole à l’auteur. Ses mots interpellent, ils semblent traverser les âges :

    Quand l’homme est aussi dépendant de l’État que les Français le sont maintenant, jusque dans les moindres actes de leur vie privée, il est bien difficile qu’il trouve en lui-même le courage de voter dans un sens hostile à ses maîtres. (François)

    « Les socialistes au pouvoir » fut écrit pour dénoncer cette idéologie. Cela est fait avec brio et éloquence, teintés d’humour. L’auteur le montre, le socialisme nivelle vers le bas, appauvrit et même tue par négligence. Le message est fort, il a été confirmé par les faits de nombreuses fois depuis. Comment un tel livre a-t-il pu être oublié ? Ce qui compte désormais, à le révéler de nouveau, c’est de le faire mieux connaître. Que sa diffusion, une œuvre d’utilité publique, fasse boule de neige et au-delà. Il le mérite.

    Avant de vous laisser à votre lecture, un point de vocabulaire. Le mot « libertaire » prend ici le sens actuel de « libéral », ou « libertarien », c’est-à-dire non lié à l’anarchie de gauche ; je vous invite à le lire dans cet esprit.

    Stéphane Geyres
    Directeur de Collection